Impressions de voyage en Iran en 2016
place des Immams (ex place royale) à Ispahan
L’Iran que je viens de redécouvrir en septembre 2016 est bien différent de l’image donnée par les médias. J’ai trouvé un pays moderne, et dynamique ; en plein dans la société de consommation, avec une activité urbaine frénétique et embouteillée, avec des gens paisibles, souriants, et accueillants.
jeunesse Iranienne à Shiraz
Certes les femmes doivent porter une tenue « islamique » : manches longues, jambes couvertes et un foulard, mais qui peut être très léger, ne cachant pas une certaine coquetterie des plus audacieuses.
Il n’en demeure pas moins qu’une police des mœurs existe bel et bien et que les Mollâs sont bien au pouvoir, même si dans les rues ils sont discrets. Je n’en ai même pas croisé une demi-douzaine en costume religieux dans les rues des villes visitées. La seule contrainte observée concerne l’impossibilité d’utiliser les cartes bancaires dans les distributeurs pourtant nombreux, et l’interdiction d’accès à certains sites internet, comme Facebook.
le Bazar d'Ispahan
À aucun moment on ne ressent le moindre effet d’un embargo largement contourné. S’il y a beaucoup de touristes, y compris iranien, dans les mosquées, elles sont peu fréquentées même au moment des prières. Les seuls endroits où s’exprime une ferveur populaire importante sont les tombeaux des grands hommes et des grands saints du Chiisme.
Les hommes et les femmes semblent vivre sur un pied d’égalité, dans la classe moyenne, bien que cela ne le soit pas inscrits dans les textes juridiques. Les femmes « valent la moitié d’un homme » bien qu’elles aient le droit de vote à égalité avec les hommes. Elles participent pleinement à la vie active, conduisent les voitures, exercent tous les métiers, et participent à toutes les activités de la vie courante et dans les entreprises.
qui dirait qu'on est en Iran?
L’organisation politique iranienne est au demeurant bien particulière, mi-théocratique, mi démocratique, d’une complexité qui nous étonne, mais qui est issue d’une histoire riche et avec un art consommé pour les fioritures dignes des miniatures persanes.
La mise en place de la République islamique par Khomeiny consacre la création du 1er état clérical chiite de l’histoire. Elle assume la cohabitation du droit religieux, transnational et du droit civil et gère l’antinomie entre « l’autorité du juriste religieux » avec la Charia et la « souveraineté populaire » avec sa juridiction civile, mais dont le Guide est le garant.
Ali Kamenei, guide suprème
Le rôle du guide suprême s’apparente un peu au rôle d’autorité morale transnationale dévolu au Pape dans la religion catholique, mais disposant encore des droits régaliens essentiels du pays (justice, armée) et entouré de grands acteurs de la vie économique.
L’Iran est le point de rencontre et de passage entre occident et orient. La Culture persane s’est construite avec les peuples de sédentaires et de commerçant entre Orient et occident, ayant intégré les apports des nombreux nomades venus des steppes du nord-est.
Grand mère de la tribu des Qashqais et son petit fils
Le pays fut très souvent envahi, par les Grecs d’Alexandre, les Romains, les Arabes, puis les Turcs Seljouquides et les Mongols de Gengis Khan et Tamerlan. Tous ravagèrent le pays avant de faire de la Perse un joyau de leur empire, car la civilisation iranienne a toujours fini par assimiler ses envahisseurs. Cette histoire a développé chez les Iraniens le sentiment d’être un peuple indépendant encerclé par d’autres peuples hostiles. Jusqu’au XIXe siècle, la Perse ne fut jamais colonisée, mais malmenée par les empires britannique, russe et ottoman. L’Iran fut islamisé, utilise l’écriture arabe, mais ne fut pas arabisé.
Persepolis
La guerre Iran-Irak de 1980 à 1988 fut un grand traumatisme dans la vie des jeunes iraniens qui y furent sacrifiés par millions. Les anciens combattants tiennent encore une place importante dans les institutions et fondations avec des gardiens de la révolution ne rendant compte qu’au Guide suprême et les martyrs sont encore célébrés largement avec des panneaux de leurs portraits installés dans les avenues et les mosquées du pays. L’Iran est un pays hyper nationaliste, mais pas impérialiste.
Mosquée du vendredi à Ispahan
L’étonnante modernité de la vie sociale et politique iranienne se constate par le comportement de la jeunesse très branchée habillée à la dernière mode et aime se faire refaire le nez par les meilleurs chirurgiens esthétiques. Elle joue à ridiculiser les gardiens de la révolution, maintenant catalogués d’anciens combattants, écoute de la musique pop, défie la police au cours de poursuites urbaines risquées et de produit des tags provocants sur les murs, utilise les bus en guise de « boite de nuit » pour échapper aux contrôles de la police des mœurs cependant encore très présente. Un jeune ne peut pas sortir seul avec une jeune fille sans la surveillance des parents. La vie de famille n’en est pas moins largement affichée et encouragée par les religieux.
Les piqueniques, surtout le soir en période estivale occupent largement les jeunes et moins jeunes qui viennent comme à Ispahan par exemple s’installer sur les gazons verts de la place principale.
Invitation à gouter sur la place royale d'Ispahan
Après ce survol des quelques aspects de la vie quotidienne iranienne que j’approfondirai dans de prochains billets, c’est à un vaste tour d’horizon que je vous convie. Ce très beau voyage nous a permis de rencontrer les traces de très vieilles civilisations élamites, mèdes achéménides, parthes, zoroastriennes, sassanides, chrétiennes et musulmanes, au détour de paysages grandioses et variés.
dome de mosaique de la mosque privée du shah à Ispahan
Du sud-ouest au nord-est, nous avons traversé des déserts parmi les plus arides du monde (Dasht-E-Lut) planté d’oasis (Kerman et sa région) aux montagnes dénudées et enneigées de l’Elbourz (5600 m), en passant par les hauts plateaux et leurs jardins paradisiaques (Chiraz et Ispahan) et les plaines tropicales parsemées de plantations de coton et de thé (mer Caspienne).
Paysage typique de l'Iran avant tout désertique
Notre voyage fut organisé par Christiane Marchais, guide conférencière remarquable, travaillant régulièrement avec l’agence Intermède. Passionnée de la culture iranienne depuis plus de 25 ans, elle a su nous concocter un circuit très complet et très dense afin de tout voir en deux semaines, ce qui constitue un beau tour de force. Nous avons visité la majorité des 19 sites inscrits au patrimoine mondial.
Tombeau de Cyrus, fondateur de l'Iran il y a 2500 ans
Ispahan
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