Expédition chez les Korowai
Voyage, loin dans l'espace et dans le temps...
Nous avons passé un mois en Papouasie, dont une semaine chez les Korowai: une ethnie vivant encore très isolée dans l'arrière-pays du sud de la Nouvelle Guinée Indonésienne.
Ils seraient 2 à 4000 à vivres de la chasse et de cueillette sur un territoire grand comme un département français.
Les premiers contacts avec les occidentaux remontent seulement aux années 1980.
Vivant en clans de 10 à 20 personnes, ils n'ont pas d'organisation sociale hiérarchisée, et sont pacifique. Pour se défendre de voisins qui le sont moins, ils construisent leurs maisons, haut perchées dans les arbres. Cela les met aussi relativement à l'abri des moustiques et insectes qui pullulent sous ce climat équatorial où il tombe plus de 5 mètre d'eau par an.
Leur nourriture est composée de farine de sagou. Ils la récupèrent par décantation des fibres du cœur d'un palmier : le Sagoutier. Ils complètent leurs repas par des insectes de la foret et surtout les larves de capricorne dont ils raffolent.
Pour en savoir plus sur les Korowai, des articles leurs sont consacrés sur mon site sur les peuples du monde
Périodiquement, lorsque les palmiers sont nombreux près de leur clairière, ils organisent un grand rassemblement en invitant les clans voisins pour une grande fête du Sagou.
Nous étions leurs hôtes. Une grande chance, car un clan peut n'en organiser une, qu'une fois tous les dix ans.
Se rendre à l'invitation négociée à l'avance par notre guide local n'est tout de même pas une mince affaire. Heureusement nous disposions avec le bateau d'Etienne, d'une « base vie » agréable pour faire une partie de l'approche. Nous avons remonté autant que possible un des fleuves qui passe en région Korowai. Il fallut cependant encore une journée de pirogue pour atteindre Basman, le dernier poste établi par l'administration indonésienne, puis une journée de marche dans la forêt marécageuse pour arriver à la clairière du clan Korowai qui organisait la fête.
Arrivé quelques jours avant le rassemblement, nous avons pu participer à la vie courante de ces derniers habitants vivant de collecte et de chasse.
Intéressant aussi de suivre les préparatifs de la fête. Une longue maison avait été construite au sol pour l'occasion (et une autre pour abriter notre campement). Peu désireux de trop partager le festin de vers de palmier sagoutier, nous avions le précieux secours du cuisinier du bateau qui était venu avec nous, avec armes et bagages.
Nous avons ainsi pu sentir l'effervescence monter au fur et à mesure de l'approche du jour J. Presque une centaine d'invités des différents clans environnant devant faire pour certains plusieurs jours de marche afin de rejoindre le lieu des rassemblements.
Des « battons d'invitation » piquetés de branchettes avaient été envoyé par porteurs aux différents groupes invités. (Il suffit de retirer les piques une à une chaque jour s'écoulant avant la date du rendez-vous : très pratique pour des gens qui n'ont pas de calendrier)
Quelques jours avant le rassemblement, tout le village et quelques voisins viennent pour collecter les « savoureuses » larves de capricornes qui grouillent dans les troncs des sagoutiers en décomposition dans la forêt environnante. Ce sont des kilos et des kilos qui seront rapportés dans la longue maison. Conditionné dans des feuilles de bananiers, elles seront dégustées par les invités, soit crues soit cuites aux fours à pierres chaudes.
Dans l'après-midi du jour J, les invités arrivent progressivement par groupe ou clan. Ils annoncent leurs arrivées en frappant leurs arcs contre les racines aériennes des liannes géants qui peuplent la jungle. En forêt, le son porte loin et impressionne quiconque est ennemi.
Ils arrivent pour la plupart dans leur tenue traditionnelle, c'est-à-dire nu, quelques-uns le nez percé de longues épines de plus de 10cm, d'autres qui ont déjà été au contact du monde moderne sont affublés de lunettes, de vieux teeshirts, ou de shorts cachés sous des pagnes de fibres, mais ils sont toujours avec leurs arcs et leurs flèches pour les hommes, leurs filets pour les femmes.
Une ambiance très, très spéciale pour ce jour de fête primitive commence à se répandre dans le village. Les simulacres de charges piétinées des groupes d'hommes vociférant ou les danses des femmes se succèderont même sous la pluie, entre de brèves pauses le temps de se faire des ventrées de larves de capricornes. Deux ou trois tambours scanderont toute la soirée et la nuit les chants (les cris ?) des participants au banquet. La lueur des feux et la fumée donne à la longue maison une allure dantesque avec la gesticulation des corps dégingandés des guerriers nus.
Le lendemain matin comme les invités nous prendrons le chemin du retour, le son des chants lancinants joués toute la nuit encore dans nos oreilles.
Quand on rentre après avoir vécu une si forte expérience, on s'interroge sur le sens de notre « civilisation » qui semble bien arrogante avec ses « valeurs universelles ». Il s'agit sûrement des dernières manifestations authentiques auxquelles il nous fut donné de participer. L'arrivée du monde moderne, le développement de l'ethno tourisme, dont nous sommes au demeurant aussi les responsables, l'arrivée de la colonisation indonésienne, laisse ici comme à de nombreuses minorités du monde, peu de chance pour un maintien d'un mode de vie millénaire. Souhaitons tout de même que les autorités et les institutions internationales permettent au moins de constituer des conservatoires de ces cultures des hommes de la forêt afin de ne pas en oublier les enseignements.
la suite: carnet détaillé du voyage...
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Rubrique(s) : Chez les Asmat et les Korowai (2009)
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