Impressions de voyage de 2016 en Birmanie
Voilà deux voyages, en 2016, où je revisite des pays que j’ai découverts 40 ans plus tôt : l’Iran et la Birmanie. Ils ont changé, bien sûr, mais le plaisir de rencontrer à nouveau leurs populations attachantes est resté intact.
Mystérieuses ruines de Bagan
C’est en petit groupe d’amis et familles que nous avons passé un mois au Myanmar, le nouveau nom de la Birmanie, qui remplace une appellation donnée par les Britanniques, mais qui ne désigne qu’une partie du pays. C’est aujourd’hui une union d’états reconnaissant plus ou moins le pouvoir de l’ethnie dominante des Birmans installé dans la plaine de l’Irrawaddy, le fleuve structurant du pays. Les régions du nord et nord-est sont encore en guerre avec le pouvoir central, sans parler des Rohingas de la frontière avec le Bangladesh, qui eux seuls, curieusement, font l’objet d’un intérêt dans les média en occident.
Quand on arrive au Myanmar, on est frappé par l’omniprésence du religieux.
Les stupas et les statues de Bouddha sont à tous les coins de rues, de nombreux monastères et un grand nombre de moines et nones circulent au petit matin pour demander l’aumône, un devoir pour chaque pratiquant du Bouddhisme.
Dans un pays sans sécurité sociale ni caisses de retraite, le système de solidarité est assuré par les congrégations religieuses. Les pauvres sont pris en charge dans les monastères, tout comme certaines personnes âgées. Les fonds collectés par de très nombreuses boites et troncs qui parsèment le pays, est redistribué en partie aux plus nécessiteux par les comités de gestion des pagodes. Il y a une quasi-absence de mendiants. La pratique de bouddhisme fait une obligation à chacun de faire régulièrement des dons. Les urnes transparentes, pleines de billets, sont placées bien en évidence dans toutes les pagodes.
En arrivant à Rangoon, on tombe dans une cité moderne, embouteillée, où maintenant tous les produits de consommation ont pignon sur rue et la ville possède ses quartiers de luxe. Elle ne représente guère la Birmanie. C’est au demeurant dans la plus grande ville du pays, que j’ai trouvé le plus de changement en 40 ans. Le reste du pays lui a beaucoup moins changé, voire pas du tout dans les régions reculées.
Rangoon en 1985
Niveau de vie. Hors de Rangoon, le niveau de vie moyen reste faible, voire très pauvre dans les campagnes où se trouvent encore des familles habitant dans des maisons de branchages et couvertures de feuilles. Le niveau s’améliore cependant avec de nouvelles constructions en bois, et dans les villes les immeubles modernes, voire luxueux commence a fleuri.
Le plus gros changement observable en Birmanie est le passage d’un monde de pénurie, refermé sur lui-même, à la société de consommation, du moins dans les grandes villes, avec des panneaux publicitaires, des magasins de luxe, des galeries commerçantes comme il s’en est construit de si nombreuses en Chine, et aussi la prolifération de petites boutiques à l’ambiance crasseuse et désordonnée, comme on en trouve tant en Inde.
L’influence économique chinoise est perceptible partout. Les biens de consommation sont importés et les produits chinois sont omni présents et en pays Shan encore plus. Sur la route de Lasio, qui mène pourtant à une zone de guerre, mais après, vers le Yunnan, les camions font la noria avec la Chine. À Mandalay, la deuxième ville du pays, les investisseurs chinois sont nombreux dans les commerces du centre-ville, repoussant les locaux dans la banlieue. De nombreux véhicules de transport en commun et routier ont encore leurs publicités ou inscriptions en chinois, ou japonais. Tous les produits de construction et d’équipement viennent de Chine. Les automobiles sont par contre majoritairement japonaises.
Politique : La Dame, comme appellent les Birmans, Aung San Suu Kyi, fait l’objet d’un grand respect et son portrait est présent partout. Les éditorialistes occidentaux, trouvent que son bilan du point de vue des droits de l’homme est mitigé. Sans doute... Mais la Birmanie est encore en proie à des guerres civiles, et à l’influence écrasante dans sa politique intérieur de la part de ses voisins chinois et indiens. )Relire l’article sur les Wa, une ethnie pas comme les autres publiées à la suite de la visite dans un de leur village musée, côté Chinois de la frontière du Yunnan).
Même s’ils se sont faits discrets les militaires sont toujours aux manettes et il parait que leurs services de renseignement sont toujours très actifs en coulisse. Le nationalisme birman s’exprime aussi par le bouddhisme fervent de la majorité des habitants qui est utilisé à des fins politiques pour s’ériger en rempart à la progression de l’islam en Arakan, et du catholicisme dans les tribus du Triangle d’or.
Du point de vue de la Sécurité, par rapport au ressenti en occident avec les Vigipirate ou autre, pour un pays en guerre, on ne remarque pas de présence de forces militaires, et les casernes sont peu apparentes. La Police est discrète, même s’il semble y avoir beaucoup des personnes en civil équipées de talkiewalkies. Le seul endroit où nous avons croisé des militaires fut lors du séjour dans le Triangle d’or, à quelques dizaines de kilomètres du front avec les ethnies Wa de l’est de l’état Shan.
Du côté d’Internet la Censure n’est pas visible ? L’accès à Google et Facebook et autres sites sont libre. Cela ne veut pas dire que des blocages n’existent pas sur les informations birmanes. L’accès au reseau s’effectue largement dans le pays, même dans des petites villes comme, Hsi paw ou Ken Tung par exemple, mais de débit est si faible que l’utilisation est quasi impossible. Dans les grandes villes comme Rangoon et Mandalay, cela reste acceptable. Une grande partie de la population est cependant équipée de smartphones récents, de marque chinoise, bien sûr. Il existe une presse magazine peu fournie, avec quelques titres de promotion de l’action gouvernementale. (Revue Myanmar Insider par exemple).
Infrastructures. Sauf une autoroute récente de Yangon à Mandalay, le reste des infrastructures routières laissent à désirer, même si des travaux de rénovation sont en cours en de nombreux endroits. Les chemins de fer sont quasiment à l’abandon depuis le départ des Anglais, seuls les aéroports ont fait l’objet d’investissements important. Nous n’avons pas visité la nouvelle capitale de Ni Pyi Tau, qui semble avoir fait l’objet de tous les investissements. Les constructions de pagodes et monastères, par contre, se portent bien et sont sous la responsabilité des comités de gestion presque toujours conduits par des moines.
Points forts du voyage
Notre voyage de 28 jours permit un tour d’horizon assez complet d'un pays un peu plus grand que la France. Il reste encore inaccessible dans le nord et le nord-est pour cause de guerre. Partis en petit groupe d’amis et famille de 7 personnes, nous avons fait appel aux services de l'agence de voyages locale francophone, Ananda travel. Elle a parfaitement répondu à nos demandes et j’ai même été surpris qu’elle nous propose des visites dans le Triangle d’or historiquement instable. Nous aurions même pu avec plus de temps aller visiter les tribus Chin, à cheval sur la frontière indienne, ou encore les îles du sud, parait-il paradisiaques .
Notre tour du Myanmar compta plusieurs points forts, dont le sud-est autour de Moulmein, le centre avec Mandalay et Bagan, le lac Inle et le Triangle d’or. Plus précisément :
- Dans la région du sud-est, on est dans le pays des Mons, les habitants historiques de la Birmanie, et on longe la frontière Thaïlandaise dans le pays des Karen dont la ville principale est Pha AN. Un gigantesque Bouddha couché et un autre en construction attirent de nombreux pèlerins.
- Entre Rangoon, ville récente crée par les Britannique au 18e siècle et l’état Mons, nous avons visité des capitales historiques comme Begou. On est là dans les prémices de la création de la Birmanie par les peuples Pyu, venus du nord et avant l’arrivée des Birmans depuis les froides régions tibétaines.
- Au centre du pays, la région de Mandalay offrit a la visite ses nombreux sites historiques. Jusqu’à l’arrivée des Anglais, les capitales se succédèrent dans la région et les vestiges sont encore nombreux à Ava, Amarapura et son pont de teck de U Bein, Sagain, Mingun, et Mandalay proprement dit, où ne reste, après des incendies, qu’un pavillon du palais royal autrefois construit en bois de teck.
- La station climatique anglaise de Maymyo nous proposa son charme désuet. C’était surtout l’occasion de faire l’expérience des chemins de fer birmans construits par les Britanniques, et du passage sur un des plus grands viaducs métalliques du Sud-est asiatique
- La fabuleuse cité de Bagan encore remplie d’un mystère envoutant. La première capitale historique du royaume birman nous a laissé un vaste champ de ruines magiques ou des milliers de pagodes qui se repartissent sur plus de 40 km² le long de l’Irrawaddy
- Le lac Inle dans l’état Shan, est à lui seul un microcosme de vie originale de pécheurs et d’agriculteurs sur des iles flottantes ou des villages lacustres. Un endroit aussi au tourisme très développé.
- Les rencontres avec les tribus du triangle d’or récemment accessible au tourisme. Au cours de randonnée de la journée, ce fut l’occasion de visiter quelque une des ethnies si particulières de l’Asie du Sud-est, comme les Akha, les Shan, les Wa, les Lahu, ou les Ann. Nombre d’entre elles vivent encore dans cette région eu dessous du seuil de pauvreté et la malnutrition est helas latente. Elles restent encore très exploitées et marginalisées par le pouvoir central et la population d'ethnie birmane majoritaire.
Vous trouverez sur le site voyages aventures des informations complémentaires sur la géographie de la Birmanie et aussi un diaporama d’une cinquantaine de photos sur notre dernier voyage Sur le site des peuples du monde, vous trouverez des articles sur des ethnies que nous avons rencontrées, comme celle des Akha déjà vues lors d'un voyage dans le nord du Laos et un autre à Yuangyang, les rizières du ciel si photogéniques au sud du Yunnan. Une introduction au bouddhisme theravada, pratiqué en Birmanie, est également disponible dans la rubrique des religions
Note sur la géopolitique de la région : le retour de baton
L’instabilité politique endémique à l’Asie du Sud-est fut alimentée dès le XIXe siècle par la course que se livrèrent les Anglais et les Français pour se partager la région. L’Indochine pour les Français, la Birmanie incluant l’état Shan pour les Anglais. La Thaïlande laissée neutre. Les Occidentaux étaient par contre d’accord pour utiliser ces régions comme têtes de pont pour infiltrer l’Empire chinois et le forcer à s’ouvrir au commerce international, en particulier britannique. Deux guerres, dites de l’opium, répandirent la drogue dans l’administration chinoise pour l’affaiblir. La culture du pavot, native des hautes collines de Birmanie, Thaïlande, Laos, Viet Nam étaient alors largement encouragée par les colonisateurs.
Après la révolution chinoise, et l’arrivée des communistes, les Chinois « pro Chang-Kai-Check » se réfugièrent pour partie, dans le Sud-est asiatique et continuèrent à favoriser la culture du pavot et à en vivre.
Plus tard les Américains et la CIA en particulier, utilisèrent les populations locales pour combattre les Nord-Vietnamiens communistes. Ce n’est que depuis que les Américains ont quitté le Viet Nam que la culture du pavot est combattue, mais certaines ethnies et chefs de tribus chez les Wa et les Kachin continuent à tirer profit du trafic de drogue. Après avoir accepté moult subventions pour réduire leur production d’opium, la région est devenue aujourd’hui le principal producteur mondial d’amphétamines. Elle reste la deuxième zone du monde, après l’Afghanistan, pour la production de drogue.
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voyage réalisé avec le concours d'Ananda travel
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Mots clés Birmanie
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